LE COURS
On peut sommairement
définir le droit international comme l’ensemble des règles de droit
régissant les relations entre les Etats. C’est d’ailleurs la
formule employée par la Cour Permanente de Justice Internationale (CPJI) dans
l’affaire du Lotus, le 7 septembre 1927 : « Le droit
international régit les relations entre Etats indépendants » Cette
définition souligne la place centrale des Etats dans ce droit.
Pourtant cette place, si
elle reste importante tend aujourd’hui à s’amenuiser. Selon le mot de
René-Jean Dupuy on passerait « du monde des cités à la cité du
monde ». En d’autres termes, de droit des relations interétatiques, le droit international
se transformerait en droit de la société internationale. Sans exagérer et
sans tomber dans un optimisme béat on peut en effet le constater.
C’est au XVIIe siècle avec les traités de Westphalie (1648) que l'Europe devient un ensemble d'Etats, disposant de frontières précises et reconnues, et sur lesquels le monarque exerce sa pleine et entière souveraineté. Le concept d'équilibre des forces se substitue progressivement au rêve d’un empire universel.
Anticipant de quelques années cette nouvelle donne, Hugo Grotius publiait en 1623 le De Jure Belli et Pacis, ouvrage dans lequel il proposait de constituer une « société mutuelle » entre les nations. Son ouvrage, peut être considéré comme l’un des premiers codes de droit international public.
Le droit international était bien dans ces conditions le droit des
relations interétatiques. Seuls les Etats étaient reconnus comme sujet de ce
droit. Qui plus est, il s’agissait d’un droit des Etats européens, c’est
à dire, selon l’expression que consacrera plus tard le statut de la Cour de
justice internationale (CIJ), « des nations civilisées ».
Tout au long des XVIIIe et XIXe siècles ces
caractéristiques s’affirmeront plus encore.
Dans ces conditions, le droit international est conçu comme un droit de
coordination à l’opposé du droit interne qui est un droit de
subordination. En effet, si seuls
les Etats sont les sujets de ce droit, on voit mal comment ils pourraient
être liés par des règles n’émanant pas d’eux-mêmes. Or, quand des
règles de droit ont pour destinataires ceux qui les élaborent, on se trouve
dans un ordre juridique particulier où seul le consentement peut lier, c’est
la fameuse règle pacta sunt servanda qui constitue la pierre angulaire
du droit international classique. Elle exprime non seulement la prévalence du
consentement comme source matérielle du droit, mais aussi, sur le plan des
sources formelles, celle des traités.
A l’époque classique, le droit international se développe en effet
essentiellement à travers les traités, renforçant ainsi
son relativisme puisque les règles internationales ne peuvent lier que
ceux qui les ont édictées. Tant que le concert des nations se confondait
avec le concert européen, le mal n’était pas trop grave, du moins ses
effets étaient réduits, mais à partir du moment où le droit international
deviendra celui du monde entier, bref tendra à devenir universel, ce
relativisme présentera plus d’inconvénients.
L’universalisation du droit international ne se fera pas seulement par l’extension
de sa couverture géographique, même si l’accession de nouveaux Etats sur
la scène internationale, au XXe siècle, constituera un
événement important. L’universalisation du droit international
résultera aussi de l’apparition de nouveau sujets de droit. Ce
furent d’abord, des sujets dérivés des Etats, les organisations
internationales gouvernementales, c’est à dire
créées par des Etats
pour améliorer les relations interétatiques. Les premières Unions virent le
jour à la fin du XIXe. Avec la création de la Société des
Nations (SDN) au lendemain de la première guerre mondiale, le phénomène
prit son essor, mais il fallut attendre la fin de la deuxième guerre mondiale
et la création de l’Organisation des Nations Unies (ONU) pour voir véritablement l’organisation internationale devenir un
phénomène majeur de la vie internationale. Nouveau sujet, mais pas
pleinement, l’organisation internationale bouleversait néanmoins l’ordre
juridique international. Elle contribuait notamment avec l’ONU à
universaliser la société internationale et aussi, même si cela restait
marginal à introduire dans certaines circonstances particulières un début
de gouvernement mondial en vue de supprimer les menaces contre la paix.
Puisque la paix universelle devenait le but ultime, l’individu pouvait
alors être pris en considération directement par le droit international. C’est
ce qui se fit progressivement, là encore et de manière imparfaite. Au-delà
même de l’individu, c’est l’humanité tout entière qui est parfois
invoquée, pour être défendue contre des crimes ou la doter d’un
patrimoine.
L’accession de ces nouveaux sujets du droit international, contribue
grandement à transformer le droit international, de droit des relations interétatiques en droit de la société
internationale.
Bien sûr, il ne s’est pas pour autant transformé en droit de
subordination et son relativisme reste aujourd’hui encore prépondérant,
mais des évolutions s’esquissent très lentement.
On les repèrera mieux en revenant dans une première partie sur les sujets du droit international, et en précisant dans une deuxième partie ce que sont les normes du droit international.